[318] Histoire

DISPARITION - xavier hutet (1961-2022)

Ce début d’année a été marqué par la disparition d’un scufiste qui avait fait les beaux jours du club sur le terrain à la fin des années 80′. En 2014, Xavier Hutet nous avait fait le plaisir de répondre à un interview dans le SCUFmag’ n°153. Il nous comptait son parcours et la découverte du rugby au lycée Jacques Decour (9ème) en 1975
Il rejoint le S.C.U.F en 1979 en Junior au poste de pilier, un poste qu’il ne quittera pas. Il saute rapidement les étapes et évolue également avec la Réserve. Il se fait sa place par la suite en équipe première, d’abord sur le banc de touche, puis comme titulaire indiscutable lors de la saison 1986/87 où le club évolue en 2ème division.
Sous la supervision de Laurent Collet-Billon et Jacques Epelbaum, surnommés PLIC et PLOC, Xavier Hutet était un pilier de devoir et la mêlée une phase de jeu où il pouvait exprimer ses qualités.

Lors de la cérémonie, ce 11 janvier, notre ancien Président du SCUF Omnisport Pascal Wagner, a rédigé un hommage que nous vous retranscrivons ci-dessous :

Xavier, La Hutte pour les intimes,
La mort est toujours injuste et s’il existait, pour mesurer l’injustice, une échelle comme celle de Richter, ta mort atteindrait les chiffres les plus élevés. L’annonce de ton décès a parcouru la toile et, à la manière des gens victimes d’un séisme, la stupéfaction ou la sidération étaient les mots qui retracent le mieux le ressenti commun.
Après une vie professionnelle bien remplie et sans nul doute consciencieusement remplie, Chantal et toi aviez fait le choix de quitter la région parisienne pour un havre de paix, la Bretagne où pourtant nulle attache familiale connue de nous ne vous avait attirés. Cette entrée dans une nouvelle vie, dans une région à découvrir ou redécouvrir, se referme avant même d’avoir commencé, cette dynamique qui s’attache aux nouvelles aventures, car la retraite bien comprise n’est pas retrait mais insertion dans un autre tissu social, s’est brisée et nous sommes présents, aujourd’hui pour acter un ultime et fatal déménagement.
Si la mort est injuste, elle est aussi paradoxale ou cruellement paradoxale, car elle a choisi de frapper au cœur. Certes, la cible était facile et visible car tu avais un grand cœur et tu l’avais sur la main. D’aucuns pourraient penser que comme dans la chanson de Brassens, il fait partie des conventions de considérer que les morts sont tous de braves types. Ici, il n’est pas question de conventions mais de témoignages, immédiats, de ceux qui sont dictés par le cœur et qui parlent au cœur.
« La gentillesse faite homme », « un homme en or », « véritable gentleman », « un garçon bien et droit », telles sont quelques unes des épithètes qui sont venues spontanément pour te qualifier. Je pense qu’elles retracent de manière exacte ce que tu étais pour nous tous qui t’avons côtoyé, au SCUF, pendant quarante ans pour les plus anciens dont plus de quinze sur tous les terrains de France et d’ailleurs.
Tu me pardonneras si la mémoire me fait un peu défaut pour retracer tous les grands moments d’une carrière rugbystique bien remplie depuis les juniors, où tu rentres en 1979, jusqu’à la fin des années 90, où tu décides d’y mettre un terme.
Tu venais du lycée Jacques Decour, un des grands lycées parisiens pour l’apprentissage du rugby, et sans surprise, ton physique t’a conduit aux joutes obscures de la première ligne. A cette époque, la ligne de démarcation entre les avants et les trois quarts n’était pas que mentale, elle était également physique. Le quintal propulsé à moins de 12 secondes au cent mètres relevait alors de l’expérimentation en laboratoire….
Tu l’as dit toi-même, tu as eu de bons mentors au SCUF et si les liens tissés se sont prolongés plusieurs décennies c’est que tu avais su gagner leur estime sur le terrain et, plus difficile encore, garder leur confiance. Pourtant tes trois partenaires de ce quatuor de rêve (façon dream team) que vous avez constitué pour continuer à faire vivre le passé, tout en profitant du présent, étaient des clients sérieux, aussi avares en mots inutiles que prompts en mots assassins. Tu étais leur cadet – toujours les mousquetaires – mais aussi leur pair et ce n’est pas le moindre mérite que l’on puisse t’attribuer.
Tes qualités étaient nombreuses, de celles qui sont essentielles dans une vie de groupe, et nous passions beaucoup de temps ensemble, sur et en dehors du terrain. D’une humeur toujours égale, toujours prêt à rendre service, et toujours disponible, tu étais l’équipier que toute équipe souhaite avoir en son sein.
Là où d’aucuns, dans ce monde mystérieux de la première ligne, faisaient la fine bouche quand il s’agissait de changer de côté, toujours avec un bon motif, tu t’adaptais. Droit tu pouvais, gauche tu daignais et toujours avec le sourire.
Cette adaptabilité ainsi que ta grande disponibilité t’ont fait participer aux deux belles tournées qui ont marqué la décennie 1980-1990 le Maroc et Madagascar. Si le Maroc était plus touristique, La Réunion-Madagascar mélangeait subtilement parfum d’aventure et préparation physique. Pas facile d’arriver en forme olympique au milieu du mois d’août et les premiers entrainements sous le soleil de l’océan indien et sous la houlette d’un entraineur intransigeant, ont vite rappelé à l’ordre ceux qui pensaient être venus bronzer leurs corps athlétiques. De ce voyage, avec un groupe hétérogène, en termes de génération naquirent de belles amitiés qui ont traversé trois décennies.
C’est à cette occasion que l’on découvrit que comme Jacques Chirac, tu avais une passion pour les combats de sumo mais que, contrairement à lui, tu savais également pratiquer cet art réservé à une élite nourrie au grain. Il faut avouer que le sumo est assez facile si l’on dispose de deux ingrédients essentiels, une nappe de table et du sel…..
Toute cuirasse a son défaut : toi si affable sur la plupart des sujets, tu ne transigeais pas sur la nourriture et sa qualité. Ce n’est pas parce qu’on se déplace en train que l’on doit être tributaire d’un service ambulant qui était à la gastronomie ce que, pour parodier Frédéric Dard, la démocratie était à Franco. Tu fus donc de ces défenseurs de la bonne chère qui commence toujours par de bons produits, arrosés de bons vins et à bonne température. Outre ton sac de sport, tu n’hésitais pas à t’encombrer d’une glacière, instrument indispensable de tout pique-nique de gentleman, version parisienne.
Ce goût de la vie, cette fidélité en amitié avec ceux qui ont poussé avec toi ou qui ont poussé derrière toi, ce sens du partage faisaient de toi un participant à la vie sociale du SCUF. Reconnaissant avec ce Club unique, pour toi et pour tous ceux qui l’ont fréquenté tu t’es, quelques années durant, investi en entraînant les cadets du SCUF continuant, par ailleurs, de marquer ton attachement au club dans les grandes occasions.
Lors d’une interview pour le journal du SCUF en 2014, tu as conclu sur cette phrase.
« Le SCUF on y vient et on le quitte rapidement ou on y reste, au moins par le cœur, toute sa vie ».
Il a fallu que ton cœur s’arrête trop vite, trop tôt pour mettre le point final à cette belle histoire, laissant ta famille et tes amis du SCUF dans la peine.
Repose en paix Xavier

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